C’est un joli petit village normand proche d’un gros bourg. Il est situé au bord du plateau. Des grandes entailles creusent des vallées descendantes qui rejoignent la vallée de la Seine. L’eau y dévale les pentes raides. Les ruisseaux d’avant n’existaient plus.
Le village s’organisait harmonieusement autour de l’église. Plus tard, et cela Marie ne pouvait pas le deviner, ses vitraux honoreraient la mémoire des innombrables morts de la plus grande boucherie humaine que le monde connaîtra.
Dans le cimetière, les tombes se succèdent et s’alignent tout en entourant cette charmante église aux proportions ravissantes. Il doit faire bon de s’y reposer pour l’éternité. Le clocher n’était pas trop haut, la nef était large, spacieuse, claire. La communauté aimait s’y retrouver là. Mais la Révolution française avait surgi et on avait abandonné le lieu de culte religieux. Marie, à l’opposé de son père, croyait toujours, mais en secret. Les églises étaient fermées, les prêtres pourchassés. Les grands révolutionnaires parisiens n’avaient pas le sens de l’humour. Autant se taire.
Les fermes s’agglutinaient aux murs de l’église. Plus loin, la nouvelle maison commune accueillait l’officier de l’état civil. Les familles s’adressaient à lui, et plus à monsieur le curé, pour déclarer les naissances, les mariages et les décès. Il inscrivait avec une plume d’oie, sur son grand registre, les noms des enfants nouveaux-nés, de ses parents et de leurs témoins.
Auprès de la mairie, le perruquier gérait aussi une officine de plantes médicinales. . Il avait chassé les femmes qui avaient soigné le petit peuple pendant des siècles. Il intervenait une fois par semaine au château Le comte, la comtesse et leurs courtisans et courtisanes aimaient changer de perruque. Leur entretien nécessitait beaucoup de soins.
Le comte et la comtesse et avaient créé une hêtraie prestigieuse, allée bordée de deux rangées de hêtres qui rejoignait l’entrée de leur château majestueux et rassurant. Elle pouvait zigzaguer. C’était plus drôle pour elle.
Les pièces du domaine des Van Hut sont claires et lumineuses. Un grand hall d’entrée accueille les invités. Des grandes baies vitrées laissent entrevoir le parc à l’arrière, sur lequel un gazon et des parterres de fleurs courent jusqu’à l’horizon. Des femmes alanguies gisent de-ci delà. Des anges de pierre sont prêts à s’envoler ou à lancer leurs flèches d’amour.
Au loin, un plan d’eau rappelle Versailles. L’ambition des Van Hut est sans limite.
Un large escalier part et monte aux étages, la famille Van Hut vivant au premier dans des pièces luxueusement meublées avec des meubles de style Louis XV ou Louis XVI, les domestiques se logeant au second. Des tentures égaient les murs. Des scènes galantes ou de chasse suggèrent les plaisirs de leurs ancêtres depuis le Moyen-Age. Lors des visites, les Van Hut narrent les récits glorieux de leurs ancêtres, parfois émaillés d’inventions.
Tous les domestiques ne vivent pas au second étage. Seules la coiffeuse, la femmes de chambre et e valet de chambre restent au Château.
Les autres rejoignent le pavillon de chasse situé à deux cents mètres, pour s’y reposer après leurs dures journées de labeur. Les chambres monacales sont simples, propres et chaudes en hiver.
Au sous-sol, la large cuisine accueille des grands fourneaux, des cuivres accrochés au mur, des grandes tables en bois, des éviers, un point d’eau relié à une fontaine extérieure. Elle occupe toute la largeur de la propriété.
Des monte-plats permettent de livrer les plats chauds pour les repas de la famille t de leurs invités. Les Van Hut aiment recevoir. Les invités sont triés sur le volet et appartiennent au gratin local.---------
1797.
Année de naissance de Marie.
1793.
Augustin Robespierre découvre la Corse. Leur père fuit en Bavière après le décès de leur mère. Augustin rencontre Bonaparte dans le sud de la France.
1795.
Barras nomme Bonaparte en tant que commandant en second de l’armée.
1796.
Joséphine de Beauharnais, accompagnée de son amant Hippolyte Charles, rejoint Bonaparte, son mari, à Milan.
Bonaparte a des doutes sur sa fidélité. Il part seul en Egypte. Toujours amoureux, il apprend là-bas, par Murat et Junot, sa trahison. Trois ans plus tard, il lui pardonne à son retour en France. Il a besoin de son carnet de relations politiques. Il devient Premier consul.
Après trente-quatre ans de règne, Catherine de Russie décède. Expédition de la Russie contre la Perse.
1797.
Fin de la guerre avec les Etats-Unis. 316 bâtiments américains sont capturés par des corsaires français, aux Antilles, entre 1796 et 1797.
Talleyrand renoue avec le gouvernement américain.
Venise est dominée par l’Autriche.
18 Brumaire. An VIII. (= 9 novembre 1799).
La Vendée a repris les armes. Complots royalistes pendant le Directoire.
Le Directoire vacille. Bonaparte est rentré d’Egypte un mois avant. Talleyrand, Fouché et Cambacérès vont l’aider à prendre le pouvoir. Il est guillotiné le 28 juillet 1794, avec son frère Maximilien, Saint-Just, Couton, Hamiot.
Décès du pape Pie VI à Valence.
1800.
Victoire de Marengo. Domination française sur la Belgique. Influence française en Italie.
1801.
Les navires américains fréquentent à nouveau les ports français.
Reprise en main de la Guadeloupe. 10 000 mort-es. Le système esclavagiste et ségrégationniste est rétabli à Saint-Domingue.
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Marie adorait organiser, nettoyer, ranger. Le sol battu était propre. Aucune miette, aucune épluchure n’y trônait. Avec son balai, elle époussetait, épurait.
Elle rejoignait les autres femmes, au lavoir, avec plaisir. Ses mains pouvaient rougir et enfler sous l’eau froide, elle aimait papoter et échanger avec ses commères sur les anecdotes du village, sur la vie des autres. Le radio-lavoir fonctionnait à plein ! C’est formidable de tout savoir sur les secrets des voisins et des voisines. Percer les secrets et les déterrer relevait de l’enquête policière. Mais avec bienveillance et sans jugement.
La vaisselle était récurée maniaquement. Les cuivres brillaient. On ne voyait qu’eux accrochés aux murs, dès qu’on entrait dans la chaumière. Quand Marie entrait chez elle, elle regardait fièrement et avec sérénité son agencement. Chaque objet était à sa place et mis en valeur.
De temps en temps, un jouet d’enfant traînait sur le sol. Une poupée, un hochet ou une quille. Mais ils étaient vite rangés dès les enfants couchés.
La cuisine était la passion de Marie. Dans l’âtre, un plat mijotait accroché à la crédence. Les mets sentaient bon. Marie sentait l’odeur du poireau, son légume préféré. Quel délice !
Le potager, devant la chaumière, était lui aussi impeccable. Les rangées de poireaux, de carottes, de pommes de terre ( ?), de pois, de haricots ne toléraient aucune herbe folle à leurs pieds. Marie les traquait à chaque allée et venue.
Il lui manquait la viande, mais, grâce au troc, elle échangeait quelques légumes contre de la viande de la ferme des Doudement, quand il lui manquait quelques pièces pour payer.
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