Benoît
Teste
Secrétaire
général de la FSU
Le
côté inédit de ce mouvement est dans l’évolution de l’opinion. On n’a pas réussi
à monter d’un cran et au très haut niveau qu’il faut. Il faut encore
construire, élargir, amplifier dans la mobilisation réelle. Mais on a réussi à
créer un mouvement d’opinion d’ampleur. Au début du mouvement, les gens
disaient : « J’ai de la sympathie pour les grévistes. Mais, je suis
pour un système universel. » L’universalité, c’est notre mot. Les
syndicats ont toujours porté l’universalité, l’égalité. Le projet du
gouvernement est une fausse universalité, ce n’est pas l’égalité. C’est harmoniser
par le bas. C’est faire fi de toutes les réalités professionnelles. Les
différences qui existent ne sont en aucun cas des privilèges.
Pourquoi
les fonctionnaires ont-ils le calcul de leur pension sur les six derniers
mois ? Ils ont une grille salariale qui encadre leur carrière. C’est un
élément de solidarité entre les fonctionnaires. Elle est un intérêt pour les
usagers et pour l’intérêt général. Cela permet l’indépendance des
fonctionnaires et qu’ils soient intègres, compétents. Les grilles salariales
sont remises en cause comme étant une forme de privilège. Elles n’aboutissent
pas à des inégalités. Elles sont adaptées aux réalités professionnelles.
L’alternative à ce projet régressif de société, c’est de
réaffirmer que la retraite est un DROIT. Il se calcule en pourcentage d’un
meilleur salaire qui est le meilleur niveau atteint et qu’on a réussi à faire
reconnaître. Une fois à la retraite, on doit pouvoir continuer sa vie comme
dans la vie active. La retraite ce n’est pas le moment où on est trop usé pour
travailler et avec juste de quoi survivre. On aurait tout retiré de nous et on
ne vaudrait plus rien. La retraite est un moment où l’on vaut quelque chose,
une vie de citoyen-ne.
Et
on doit calculer en fonction de la meilleure qualification acquise pendant
notre vie active. Il faut faire un sort à cette idée des MILLE EUROS. Le
gouvernement la qualifie comme étant géniale et permettant de relever les
petites pensions. C’est sensé être attractif. Pour quelqu’un qui gagne 700
euros, ca va être extraordinaire de passer à 1 000 euros. Mais c’est pour une carrière complète. Ceux
qui gagnent aujourd’hui 700 ou 800 euros
ne passeront pas à 1 000 euros. Qu’est-ce que ça veut dire dans cinq, dans
dix ans ? On n’en sait rien. 85% du SMIC à carrière complète, c’est pour
nous indigent (= misérable). Il faut le SMIC au minimum. C’est le minimum pour
vivre correctement à la retraite. Dans leur projet, la carrière complète
augmente sans arrêt. 43, 44, 45 ans vont être inatteignables.
Leur
socle minimal est à 1 000 euros. Ce socle minimal va baisser les droits de
tous les autres.
C’est
fondamentalement le projet libéral. Pour le reste, pour ce qui est au-dessus,
pour tous les autres besoins, les gens devront se le constituer eux-mêmes. Ils
n’auront qu’à capitaliser, à épargner. Depuis au moins 75 ans, nous avons
construit tout l’inverse.
Le
calcul sur le meilleur salaire pour obtenir une pension de retraite vient à
l’encontre du socle minimal. Ce n‘est pas : « J’ai contribué et je
vais retrouver exactement ce que j’ai contribué. » Imaginons de
l’appliquer à la maladie, au chômage. La retraite doit assurer une vie correcte
dans de bonnes conditions.
La
valeur de point peut varier tout le temps. Elle peut représenter 50%, 60% ou
70% du dernier salaire. L’objectif de ce système n‘est pas de donner un
pourcentage mais de s’équilibrer. C’est ANTIDEMOCRATIQUE. Tout débat sur les
retraites devient abscond et interdit. La valeur du point varie en fonction des
recettes qu’il y a dans les caisses. « Le droit est attaché à une
cotisation » interdit le droit à un
financement supplémentaire. Nous disons que les entreprises qui
licencient doivent cotiser plus. Cela devient impossible quand la cotisation
est attachée à un individu. Ce n’est plus un système solidaire.
L’avis
du Conseil d’Etat. Il assassine le projet de loi. Il dit qu’il est lacunaire et
mensonger. Nous disons depuis le début, et le Conseil d’Etat le confirme, que
le gouvernement ment sur la réalité de son projet (= repousser l’âge de départ,
baisser les pensions pour faire rentrer la capitalisation). Il veut s’attaquer
à la masse des 350 milliards consacrés à la retraite.
Le
projet de loi ne dit pas ce qu’il va faire ni comment les choses vont être
mises en œuvre. Ca renvoie à des ordonnances, à des décrets, à une série de
choses ultérieures. Le gouvernement continue de mentir. Ils mentiront jusqu’au
bout et après le vote de la loi. On n’aura pas d’idée du calcul de sa pension.
L’étude d’impact est qualifiée par le Conseil d’Etat de lacunaire et
mensongère. Les paramètres varient entre leurs propres textes.
Masquer
les choses n’est pas oublier des choses. Ils masquent la baisse des pensions
jusque dans la loi qui est un tract politique à la gloire de leur système. La
conférence de financement est organisée pour balader les gens. Le Premier
ministre (= Edouard Philippe) écrit qu’il est interdit de toucher au coût du
travail. Il interdit de rechercher des
financements nouveaux, d’élargir des assiettes de cotisation, de faire
contribuer d’autres revenus pour équilibrer le système. Il n’y a pas de déficit
du système de retraite à court terme sauf si on adopte des règles
comptables qui vont le créer.
Les
recettes vont baisser quand le salaire des fonctionnaires baisse et qu’il y a
moins de fonctionnaires recruté-e-s. Donc vous devez chercher de nouvelles
solutions pour compenser ces baisses de rentrée d’argent. On interdit aux
partenaires sociaux de toucher au coût du travail donc à une augmentation des
cotisations. Ni la « FSU », ni « Solidaires » ne sont à la
conférence de financement. Ils considèrent que la représentativité est
au-dessus de 5%. Ca a permis de faire entrer « l’UNSA » à cette
conférence. La « FSU » et « Solidaires » sont dans la
mobilisation, en tant que forces importantes, mais sont exclues de la
discussion.
Je
ne veux pas attaquer la CFDT et l’UNSA comme étant de grand méchants (huées et
remue ménage dans l’assistance). Le gouvernement signe avec ces organisations
syndicales qui ne sont pas mobilisées. Quand on veut sortir d’une crise, on
négocie avec les grévistes, avec ceux qui manifestent dans la rue et qui
portent la contestation. Nous sommes majoritaires en voix mobilisées dans la
population. Il faut travailler avec nos solutions, nos propositions pour un
financement meilleur.
Lors
de la 7e journée de protestation interprofessionnelle, on a vu
arriver beaucoup de jeunes.
C’est un mouvement qui tourne avec des gens
nouveaux, et d’autres qui ne reviennent pas. La 8e journée était un
peu moins forte, mais c’est plus compliqué de mobiliser un mercredi. Si on veut
gagner, il faudra franchir un cran que nous n’avons pas encore passé. Le débat
parlementaire va ouvrir de nouvelles perspectives et de nouveaux temps de mobilisation.
Il faudra démontrer de nouvelles propositions alternatives.
Notre
mouvement n’est pas un mouvement de privilégié-e-s ou catégoriel. C’est un
mouvement d’intérêt général et qui porte un projet de société. Celui du
gouvernement est sacrément écorné. L’opinion a compris que leur but était de
réduire les pensions et de démolir le droit à la retraite. Les grands débats
organisés par Delevoye et Macron n’ont pas pris. Aujourd’hui, c’est la réalité
« des prix ». Le Conseil d’Etat dit : « On ne va pas
pouvoir continuer, dans l’écriture de la loi, à mentir comme ça et à manipuler
l’opinion. » Le gouvernement a biaisé les chiffres retenus sur les femmes.
Continuons
les réunions pour expliquer et pour débattre. Oui, le pays a les moyens de financer
un bon système de retraite qui reconnaît la vie au travail et qui permet aux
retraité-e-s de bien vivre. Les retraité-e-s depuis deux ans se battent et
disent que cette lutte n’est pas catégorielle mais est une question de
société : « Qu’est-ce qu’on veut pour nos retraité-e-s ? »
« Que signifie la retraite active ? » On est un et une
citoyen-ne en capacité d’intervenir, de discuter, de débattre, de travailler,
de faire différentes choses comme quand on était dans la vie active et sans
rapport de subordonné-e à un employeur. C’est ça notre projet de société.
(applaudissements)
----------------------------
L’espérance
de vie.
On
est dans une imbrication totale de toutes les questions. On vit plus longtemps
parce qu’on a un bon système de retraite et de protection sociale. Ce n’est pas
une donnée intangible et pour toujours. En dégradant les droits et la retraite,
on risque d’aller vers des régressions terribles. Le modèle anglo-saxon nous
montre qu’aux USA, l’espérance de vie diminue dans certaines catégories
sociales. Dans les pays anglo-saxons on est dans une dynamique négative et inégalitaire.
La
prise en compte des années d’études.
Pour
nous, c’est en validant des trimestres. Il y a une discussion à avoir sur le nombre
(4 par année, moins ? en fonction du niveau d’études ?). Quand les
jeunes se forment, c’est un bienfait pour la société. La durée d’études doit être
validée comme la durée de travail. Ce qui a été négocié sur l’âge pivot par la
CFDT montre une dégradation sur l’âge mais surtout sur les durées. Il y a la
question de ceux qui ont fait beaucoup d’études. Ils entrent tard sur le marché
du travail. La CFDT (en caricaturant) pense que pour ceux qui ont fait des
années d’études longues, c’est « plus juste » de taper sur eux car
ils gagneront plus que les autres. L’argumentation est malsaine. Pour nous, c’est
ni âge pivot, ni augmentation des durées. Ceux qui font des études seront
pénalisés par l’augmentation de l’âge pivot. Ils n’auront pas des revenus plus
élevés. C’est une mesure anti-sociale car anti progrès social. On pénalise ceux
qui font l’effort de se former, même si c’est aussi pour eux-mêmes.
Les
Français-e-s s’approprient les questions de retraite, de répartition des
richesses, de choix de société. On est vraiment dans un moment inédit. J’espère
que ça va basculer vers une dynamique de progrès social. Ce n’est pas gagné. Il
faut continuer à travailler ça. La colère sourde peut faire monter le
Rassemblement National. On est à un moment charnière. La stratégie syndicale
est d’élargir et de faire que le mouvement soit massif. Il faut montrer que des
alternatives sont crédibles. Il faut inventer des formes de dialogues avec les
forces progressistes, de gauche, entre les syndicats et les organisations
politiques. Il faut inventer du nouveau en respectant l’indépendance des un-e-s
et des autres, pour parvenir à s’enrichir mutuellement. Il n’y a pas d’autre
solution que l’alternative. Il fait défaire par des lois ce que les lois régressives
ont fait. Il y aura des initiatives intersyndicales : meeting, conférence
de contre-financement, qui doivent irriguer dans tout le territoire. Il faut
déboucher sur une deuxième phase du mouvement qui soit à la fois dans la lutte
forte et dans l’élaboration, dans la discussion sur le fond pour faire déboucher
tout cela vers un progrès social.
"Sud "
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