samedi 9 août 2025

Jean d’Ormesson - Au plaisir de dieu.

 

Jean d’Ormesson

Au plaisir de dieu.

Editions Gallimard – 1974

 

Quand j’ai appris que c’était sa biographie, je l’ai lue car je voulais comprendre comment cette famille aristocratique avait perdu son château de  Plessis-lez-Vaudreuil (1). Il ne donne pas toujours les noms des personnes dont il parle.

Il n’aime pas la République et ses valeurs. Il a été journaliste au Figaro. Il romance, brode son histoire.

 

Le grand-père :

Le grand-père de Jean d’Ormesson (2) a beaucoup compté, conté, et raconté. Sur les principes et les valeur aristocratiques expliquées dans ce livre, on croirait que Trump a fait un copié-collé des arguments (NDLR : j’ai accordé au féminin avec valeurs). Le grand-père surnommait Gambetta « Grambetta » (= grand bêtat) (p 21).  Il parlait le latin et lisait le grec ancien. Il a été député d’extrême droite pendant un court temps. Il était duc (p 268).

Son père (3) :

Les Noailles et les d’Harcourt sont des cousin-es du père, mort en 194-1918, au Chemin des Dames, à l’âge de 35 ans. Jean d’Ormesson en avait 14 (p 72).

Ses aïeules :

Parmi ses aïeules, il y a eu des libertines (p 14), des prieuses, (p 15).

Sa grand-tante rencontrera le premier homme noir à l’Exposition coloniale (4) (p 17).

L’arrière-grand-mère de son grand-père a écrit ses mémoires. Comment s’appelait-elle, celle qui a fréquenté Rivard, Staël, Chateaubriand, B. Franklin ? (5) Ndlr : Si on remonte sur cinq générations, on tournerait vers 1849…Je compte 5 X 25 = 125. Il romance car les dates de ces personnalités ne correspondent pas. Elles ont vécu au XVIIIe siècle, soit un siècle plus tôt.

Une aïeule est morte de chagrin. Un de ses fils est devenu un escroc en Amérique du Sud, en vendant des bateaux, des maisons, des femmes qui ne lui appartenaient pas (p 19).

Il a eu des grandes duchesses allemandes, des actrices du théâtre Michel, une sœur du Maréchal de Coligny (6) dont toute la famille a été assassinée pendant la Saint-Barthélémy, sauf un enfant, des filles de la famille Krupp, parmi ses aïeules (p 23). Une arrière-grand-mère a déniaisé trois rois (p 25). La famille apprécie beaucoup la duchesse d’Uzès (p 29). La comtesse de Ségur, du côté russe, faisait partie de ses tantes (p 70). Son arrière grand-mère, à Rome a refusé la communion donnée par un doyen. « Nous, c’est le pape ou rien » (p 78). « Entre le peuple et nous, il existait des liens secrets » (p 136). Ndlr : ils sont très secrets et très bien gardés…

Une grande tante est morte dans une maison de repos spécialisée. Sa santé mentale était vacillante. Elle avait eu des visions de la Vierge et entendu des messages pour Fallières et Loubet (p 570).

Il a une sœur qui ne comptait pas (7). Elle n’avait pas droit au chapitre (p 143).

La fille d’Ursula veut épouser un homme marié et elle annonce : « Il divorcera ! » (p 345).

Anne-Marie, sa nièce, deviendra une star de cinéma. Nom de scène ? (p 435). Elle se droguera. Elle se retrouve seule dans une clinique à New York. Elle meurt dans la maison de Franck Sinatra d’un arrêt du cœur (p 541).

La tante Gabrielle :

La tante Gabrielle Rémy-Michault (8) a apporté dans sa dot des millions utiles pour l’entretien du château, avant la fin (p 27). Gabrielle était juive, malheur !, mais très riche…(p 32). Gabrielle était la fille d’un marchand de canons et d’oranges. Le mariage est désapprouvé par les deux familles (p 45). Il raconte les différents points de vue des deux familles avec beaucoup d’humour. C’est du Shakespeare en amour…Gabrielle est issue d’une famille de régicide, et c’est impardonnable. La grand-mère de d’Ormesson meurt trois mois après le mariage. De tristesse ? On ne sait pas.  La tante Gabrielle se situe entre Mesdames Greffulhe (9) et Chevigné (10), avant 1914 – 1918 (p 96). A Paris, elle vit rue de Varenne, dans le faubourg Saint-Germain. Elle est habillée par Paul Poiret. La duchesse de Clermont-Tonnerre (11), la marquise Elisabeth de Gramont et la comtesse Jean de Pange (= Pauline)  parlent de Gabrielle dans leurs livres (p 107).

Leurs valeurs :

Ils sont anti-dreyfusards (p 31).

Les nobles ne travaillaient pas.

Tout leur était donné (p 48). Les valeurs de liberté et de vérité heurtent la monarchie. La liberté ne leur sert que pour rétablir leur autorité (p 76). La vérité se partage entre Dieu et les monarchistes. La vérité est dans le passé.

La Révolution sert de marqueur à la monarchie. Il y a un avant et un après, empli d’angoisses (p 84). La monarchie refuse de penser pour ne pas avoir à douter.  Dieu est sa certitude (p 85). Pour d’Ormesson, la fidélité à Dieu ou au roi est un échec. C’est équivalent à faire du sur-place, de ne pas réfléchir, et de rester inadapté au monde qui change (p 52).

Le bonheur s’oppose au devoir (p 96).

Pour le maintien des privilèges, c’est l’union sacrée entre la noblesse et la bourgeoisie (p 60). « Nous venions d’une classe privilégiée qui conservait beaucoup de privilèges et de charme » (p 232).

Jean d’Ormesson est libéral-réactionnaire (p 560). Pour lui, Cohn-Bendit est un bourgeois réactionnaire (p 571).

La chasse à courre :

La famille les organisait deux fois par semaine pendant six mois (p 27).

L’argent :

Ils ont loué à Paris, à des courtisanes, des appartements vers le parc Monceau (p 29).

Les terres aux alentours du château leur rapportaient beaucoup. La vente de bois aussi.

Caillaux a instauré l’impôt sur le revenu (12), considéré comme un « petit malheur » (p 31).

Les mœurs :

Ils vont à Paris pour rencontrer les danseuses pour « leurs besoins ».

Les filles qui ne porteraient pas le nom de famille, une fois mariées, n’avaient pas d’importance.

Si une femme mourait en couche, si elle laissait un fils qui porte le nom de famille, son décès pouvait paraître anodin (p 47).

Les domestiques :

Jean d’Ormesson affirme que les « gens » qui travaillaient au château appartenaient à la famille. C’est très ambigu. Ils les « aimaient » comme on aime un-e inférieur-e qui fait bien son travail. Ndlr : Mais on ne partage pas le nom, le travail, l’héritage…

Le grand-père donnait des ordres aux domestiques fournis par Dieu (p 32 et 127). Ndlr : Dieu est mis à toutes les sauces…

Le fils du régisseur lit à la bibliothèque avec eux. Mais la société est hiérarchisée, et la différence de statut social (inférieurs ou supérieurs, maîtres ou serviteurs) se fait sentir (p 172).

« Les autres nous servaient et servaient nos desseins » (p 178).

Littérature :

Le père de Jean Racine, Louis, a écrit que« ni l’amour, ni l’intérêt n’eurent aucune part dans le choix de sa femme ». Ndlr : Il n’a pas choisi une laideronne pauvre ? (13) (p 58).

Barbey d’Aurevilly était apprécié par la noblesse française (p 42).

Mathilde de la Mole (14)  a connu le même destin qu’Anna Karenine (p 59).

Proust a fréquenté Gabrielle à la rue de Varenne (15) (p 114). Ndlr : il romance l’histoire…

La bibliothèque du château était composée de 35 000 livres (p 162).

Les ennemis de la famille se nomment Galilée, Darwin, Marx, Freud, Gutenberg (p 176).

Leur précepteur est mort à Auschwitz en 1944, d’épuisement (p 180).

Saint-Just pensait que le bonheur était une idée neuve en Europe (p 230). Ndlr : depuis que l’humain est humain, iels réfléchissent au bonheur…

Ruine de la famille :

Le Krach de Wall Street en 1929 a provoqué la ruine de la famille (p 293).

« Depuis 150 ans, tout s’écroulait autour de nous » (p 348).

Les travaux d’entretien du château vont les ruiner. Toitures, charpentes, poutres, murs n’ont pas connu de travaux depuis longtemps. Les charges sociales des employé-es s’ajoutent aux dépenses (p 450). Les revenus de la famille et la vente de tableaux ne suffisent pas. Il leur faudrait 4 à 5 millions de francs. Ils ont deux ans de sursis devant eux (p 447).

La famille engage une hypothèque et fait un emprunt avant le désastre (p 458).

Le château est vendu pour en faire une colonie de vacances. (16) Ils avaient refusé auparavant une proposition plus intéressante d’une société qui voulait en faire un hôtel avec tennis, piscine, équitation.  (p 464).

Ils vont vider le château. Toutes les œuvres d’art de Riesener, de Gainsborough, etc, ont été partagées entre les générations précédentes. Il ne reste plus que les copies, la vaisselle d’or, 36 fauteuils des Gobelins et les tableaux de Rigaud (p 470).

L’après :

Ils se réfugient dans un 5 pièces rue de Courcelles qui leur appartenait encore. L’argent de la vente a été réparti entre les descendants. (p 502)

En 1968, la gauche progressiste catholique s’y réunit et publie une publication sur l’autogestion.

L’alcool :

18 mois après la vente, ils font la Dolce Vita à Rome. La drogue, le jeu, les filles leur permettent d’oublier les habitudes sévères de Plessy-lez-Vaudreuil (p 521).

L’avenir incertain et les valeurs vacillantes les précipitent dans un monde de plaisir (p 522).

Sans alcool, sans drogue, sans érotisme, la plupart d’entre eux aurait sombré, se serait effondrée (p 525) ; Ndlr : et pourtant, l’alcool et la drogue précipitent les victimes vers la chute…

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(1)      Si, dans son roman, l’académicien aux yeux bleus place le château fictif de Plessis-lez-Vaudreuil en Haute-Sarthe, c’est bien à Saint-Fargeau, appartenant alors à la famille de sa mère, que l’écrivain a passé quelques années de sa jeunesse. (Lectures de voyage).  Issu d’une grande famille de la noblesse française (la famille Lefèvre d’Ormesson), il porte le titre de « comte » et passe son enfance au château de Saint-Fargeau, fief familial. (ad magazine).

La famille Lefèvre d'Ormesson est une famille subsistante de la noblesse française, originaire d'Île-de-France, anoblie par charge en 1553. Elle a été admise à l'ANF en 1947. Cette famille compte parmi ses membres un ministre du roi Louis XVI, des hommes de lettres et académiciens, des compositeurs, des diplomates.

Le château d'Ormesson est un édifice construit au XVIe siècle pour Louis Picot de Santeny puis agrandi au XVIIIe siècle pour la famille Lefèvre d'Ormesson.

Il est situé dans la commune d'Ormesson-sur-Marne, dans le département français du Val-de-Marne en région Île-de-France. (Wikipedia)

(2)   Tout tourne autour de la figure du grand-père paternel : Sosthène. Profondément réactionnaire et humain, il est le témoin impuissant, avec le narrateur, de la ruine. (Artetpoiesis).

(3)    Le père de Jean d'Ormesson, André d'Ormesson, était un ambassadeur de France et un ami de Léon Blum, appartenant à la noblesse de robe. (Le petit littéraire).

(4)    L’ Exposition coloniale internationale se tient à Paris du 6 mai au 15 novembre 1931, à la porte Dorée et sur le site du bois de Vincennes. (Wikipedia). L'Exposition coloniale de 1931 à Vincennes a été une manifestation idéologique visant à promouvoir l'empire français, mais elle a également été marquée par une propagande raciste et exotique, tout en suscitant des oppositions, notamment de la part de groupes anti-colonialistes et antiracistes. (Memorial 98).

(5)   L’essentiel de la carrière de Mme de Staël (1766-1817) et le début de celle de Chateaubriand (1768-1848) se déroulent à l’époque où la France vit sous l’emprise napoléonienne. (Littérature du XIXe siècle). Benjamin Franklin (1706-1790) était un imprimeur, scientifique, inventeur, homme politique et père fondateur des États-Unis, célèbre pour ses découvertes en électricité et ses contributions à la révolution américaine. (Inventeurs). François Dominique Rivard, né à Neufchâteau en 1697, fut professeur de philosophie au collège de Beauvais à Paris, et mourut en cette ville en 1778. (Inrp).

(6)    Gaspard de Coligny, né en 1519, était un noble, amiral de France et chef des protestants lors des guerres de Religion, connu pour sa conversion au protestantisme et son rôle dans la politique de conciliation, ainsi que pour son assassinat lors de la Saint-Barthélemy en 1572. (L’Internaute).

(7)    Il n’avait pas de sœur, mais un frère, Henry.

(8) Gabrielle Rémy-Michault est une tante intelligente et curieuse qui, en intégrant la famille Plessis-Vaudreuil par mariage, révolutionne la vie du château et amorce un premier bouleversement dans les traditions familiales. (Mémoires de livres). Le baron Remy-Michault fait par ses splendeurs toujours calculées les beaux jours de l'orléanisme. Son fils, Lazare Remy-Michault, s'installe en Afrique du Nord. (Electre ng). "Au plaisir de Dieu" raconte l'histoire de la famille Rémy-Michault entre la première croisade (1096) et l'avènement au pouvoir de Georges Pompidou (1969). (Babelio).

(9)    La famille Greffulhe, d'origine languedocienne, a quitté la France lors de la Révocation de l’Édit de Nantes, s'établissant à Genève puis à Amsterdam, avant de s'impliquer dans la finance à Paris, notamment avec Louis Greffulhe, et de compter des figures telles que Henry Greffulhe, aristocrate et mécène de la Belle Époque, célèbre pour son mariage avec Élisabeth de Caraman-Chimay. (France archives). Marie-Joséphine-Anatole-Louise-Élisabeth de Riquet, comtesse de Caraman-Chimay, comtesse Greffulhe par son mariage, née le 11 juillet 1860 dans le 7e. (Wikipedia).

(10) Laure Marie Charlotte de Sade, par son mariage comtesse Adhéaume de Chevigné, née le 31 mai 1859 à Passy et morte le 15 octobre 1936 à Paris, est une salonnière et une figure de la vie mondaine. (Wikipedia).

(11) Antonia Corisande Élisabeth de Gramont, née le 23 avril 1875 à Nancy et morte le 6 décembre 1954 à Paris dans le 16e arrondissement, est une femme de lettres et noble française. (Wikipedia).

(12) Joseph Caillaux a instauré l'impôt sur le revenu en France par la loi promulguée le 15 juillet 1914, après un long combat débuté en 1848, afin de moderniser la fiscalité et instaurer un système plus juste. (France 3 régions).

(13) Jeanne Sconin était la mère de Jean Racine et la sœur du chanoine Antoine Sconin. Elle est décédée en 1641, peu après la naissance de sa fille Marie Racine, laissant ses enfants orphelins. (Midi Libre).

(14) Mathilde de la Mole est une jeune aristocrate passionnée, intelligente et exigeante, qui joue un rôle central dans le roman de Stendhal en tant que seconde amante de Julien Sorel et symbole de la noblesse parisienne, tout en étant fascinée par l’histoire de son ancêtre et par des idées romantiques et libérales. (Textes libres).

(15) Robert de Montesquiou, un ami de Proust, est né à l’hôtel de Béthune, 60 rue de Varenne. (Terre d’Ecrivain). Dans ses promenades, l'auteur décrit les rues paisibles du quartier, comme la rue de Varenne, bordée de majestueuses façades d'hôtels particuliers. (Velib). Marcel Proust a vécu exclusivement sur la rive droite, le côté de la bourgeoisie, alors que la rive gauche était le côté de l'aristocratie. (Didier Saillier).

(16) En 1968, la famille de Jean d'Ormesson vend le château à une société belge, avant que Michel Guyot en fasse l'acquisition en 1979. (Synonyme du mot).

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