Rodin
de Jacques Doillon
L'image du film est d'une
terrible et géniale beauté. Christophe Beaucarne en est le
créateur. Les cadrages sont justes, serrés au plus près des
personnages, les verticales sont verticales (!), les couleurs, les
gris, les marrons, représentent l'ambiance de l'époque.
On entend les personnages
marcher sur les parquets qui couinent, grincent. Le bruit du bois
prévient de la venue d'un nouveau personnage dans la scène. La
musique est au minimum, souvent absente. Il manque tout simplement
l'odeur du feu de bois pour évoquer le décor de la fin du XIXe et
du début du XXe siècle.
Les ateliers d'artistes
étaient orientés vers le nord pour pouvoir capter la meilleure
lumière tout au long de l'année. L'atelier est le lieu de
création, de recherches, d'ébauches, de rencontres, de discussions.
La pudeur des sentiments et des corps n'existe pas dans l'atelier.
Malgré le froid, les femmes se dévêtent de leurs atours pour
trouver la pose originale que personne n'a jamais vue. Rodin est
sensuel et gourmand de chair fraîche. Les séances de pause féminine
suscitent la tentation. Ou l'inverse...Il aime la vie et souhaite
l'insuffler dans ses œuvres inertes. La confrontation de l'artiste
et de la critique se cristallise autour de la statue de Balzac
nu, monument modelé et chargé de symboles. Cette statue (ou
sculpture) sera mûrie, améliorée, refusée, critiquée, puis
financée au bout de dix ans. La nudité sera finalement cachée,
tout comme pour le couple de La Valse de Camille Claudel qui
sera recouvert d'un voile pudique.
Jacques Doillon capte
l'effort de création. Vincent Lindon est fixé sur ses œuvres avec
son regard d'aigle et son souffle de taureau prêt à bondir, tourne
autour comme un vautour autour de sa proie, rajoute un peu de pâte
(de chair?) à ses statues, retire avec son dévidoir le surplus,
s'interroge, se critique lui-même, se pense, se panse.
Il faut dire qu'il a
commencé tard et qu'il a un style différent. On lui a reproché
d'avoir triché pour sa première œuvre et il doit prouver que c'est
un mensonge. Victor Hugo lui servira à cet effet de modèle vivant.
Vincent Lindon a la voix
rauque, chaleureuse, mais je regrette que les fins de phrase soient
prononcées dans sa barbe. J'étais obligée de me décentrer du film
pour me demander de qui il avait parlé, ou essayer de trouver le mot
que je n'avais pas compris. Pourtant, si nous sommes
plongés dans une œuvre intimiste, nous n'avons pas à tendre
l'oreille pour entendre. C'est le seul détail négatif du film mais qui n'empêche pas la compréhension de l'histoire. J'ai rencontré une autre spectatrice du film qui a confirmé cette sensation. A la sortie du cinéma, elle s'est demandé si elle avait des problèmes d'audition. Tout comme moi: "aurais-je besoin d'un sonotone"?!
Un coup de chapeau à
Izïa Higelin qui est légère au départ puis dans la souffrance
vers la fin, avec une grande crédibilité. Rose Beuret* parle!
Jacques Doillon lui offre des scènes ménagères, puis une scène de
ménage avec Camille Claudel. Souvent, on l'évoque, mais on ne la
voit pas, ni on ne l'entend. Elle a son petit caractère tout de
même, même si elle représente la soumission, la sécurité, le
côté cosy de la vie de Rodin.
L'ambition et la soif de
reconnaissance de son talent ont été les moteurs de Rodin qui a
fait feu de tout bois et a aussi pioché dans l'art de Camille
Claudel, artiste qui aura eu du mal à se faire une place par
elle-même, mais qui apparaît maintenant comme la seule sculptrice
connue. Le couple se sera influencé mutuellement et est inséparable
éternellement.
*
*
Paul Morand
Venises
L’Imaginaire – Gallimard
1971
page 22 :
Selon Paul Morand, Rose Beuret exprimait son désaccord
sur la relation de Rodin avec Camille Claudel.
« Rodin
y trouvait un abri (NDLR : Dépôt des Marbres, au quai d’Orsay) contre les
cris déments de Camille Claudel, contre les reproches de Rose qui
l’attendaient, le soir, à Meudon ; cet enfer domestique c’était sa vraie Porte
de l’Enfer. »
Musée des Beaux-Arts
Nancy
Auguste Rodin
Paris, 1840 – Meudon, 1917
Psyché transportée par la chimère.
Vers 1907
Marbre.
La
déesse de la beauté, Aphrodite, jalouse de Psyché, la condamne à mort :
son père est enjoint de la conduire au sommet d’une montagne où un monstre doit
la dévorer. Mais, le dieu de l’Amour, Eros, séduit par la jeune fille, la fait
enlever par Zéphyr. Cette histoire permet à Rodin de jouer sur l’opposition
entre le marbre brut symbolisant la montagne et le fini des corps qui s’élancent,
accentuant l’impression de mouvement.
Auguste Rodin
Paris, 1840 – Meudon, 1917
La Voix intérieure
1897
Plâtre
Musée des Beaux-Arts
Marseille
Auguste Rodin
France, 1840 – 1917
L’Age d’Airain
Bronze à patine brune
1875/1876
Musée d’Assezat
Fondation Bemberg
Toulouse
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