Collection Folio, Gallimard. 1998
Il (=son
père) m’offre ce qu’il a de plus précieux, ce pays qu’il aime, la France. Je
lui en sais gré, je partage sa passion des campagnes. Il me conduit à
Cuverville où son ami d’enfance Dominique, qui a épousé une de ses cousines,
nous reçoit. Suis-je étonné de me retrouver dans la maison de l’écrivain maudit
dont, en Espagne, je dévorais les livres sans tout à fait les comprendre ?
Je voudrais répondre oui. En réalité, j’avance dans un rêve. »
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« Les choses les plus belles
sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison. Il faut demeurer entre
les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on
écrit. »
André Gide
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André
Gide
Si
le grain ne meurt
Editions
Gallimard – 1955
Il
est le roi du subjonctif passé. « Soit qu’elle vinsse », « soit
nous allassions à Cuverville », mais la lecture est aisée (p 94). Il
n’aime pas le théâtre et part après la première partie d’un spectacle qu’il
trouve « conventionnel, prévu et fastidieux » (p 168).
Il
commence mal sa scolarité. Il est renvoyé de l’école à cause de sa masturbation
en classe de 9e, à l’âge de
8ans, en 1877 (p 65). Son père meurt de tuberculose intestinale, sans être
soigné, car « on ne la reconnaissait pas », en 1880 (p 90). André
Gide aimait obéir et n’aimait pas dissimuler, ce qu’il apprendra à faire plus
tard (p 198).
A
ses douze ans, après le décès de son père, sa mère loue un appartement à
Montpellier. Ne cuisinant pas, elle fait venir par un traiteur de la
ratatouille (p 104). Elle se fait coiffer tous les jours pendant une
demi-heure. Sa femme de chambre lui fait mal. André Gide décrit ce rituel sur deux pages ! (p 154) Sa mère avait
l’ambition qu’il écrive ses propres textes et qu’il crée lui-même (p 238).
Sa
tante était une forte femme capitaliste (p 98). Sa cousine Gide, pour
déshériter sa fille, la comtesse de Blanzey, voulait donner un Mignard au
Louvre (p 254).
Il
tombe pour la première fois amoureux d’un garçon, lors d’un bal (p 87). Il est
ensuite amoureux de Lionel, de la famille de Guizot*, en Normandie, à la Roque,
située entre Caen et Lisieux. Leur relation platonique continue jusqu’à ses
quinze ans (p 172).
Il
tombe « amoureux » d’Emmanuèle (= pour sa cousine Madeleine, il
éprouve un amour mystique, NDLR) à cause de son chagrin. Elle a découvert le
secret de la trahison de sa mère (par infidélité ? NDLR) et elle ne peut
prévenir son père (p 125). Il rêve de l’épouser.
Au
Pouldu, il rencontre Paul Gauguin et mange avec deux autres artistes (p 243).
Charles Filiger Thann, 1863 - Plougastel-Daoulas, 1928.
Paysage du Pouldu
Vers 1892
Gouache sur apier.
Muma
Le Havre
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Il fréquente le salon de Mallarmé (p 262). Il cite Nietzsche : « Tout
artiste n’a pas seulement à sa disposition sa propre intelligence, mais aussi
celle de ses amis » (p 257). Chez
Heredia**, il y a un salon pour femmes et un fumoir pour les hommes (p 262). Il
suit les traces de Jean-Jacques Rousseau. Il séjourne à Val-Travers***, dans le
Jura et comprend, devant l’attitude des habitant-e-s, le « mauvais
vouloir, les méchants propos, les regards haineux, les moqueries » que
Rousseau a subis (p 323).
Il
écrit son premier livre, à l’âge de vingt ans, à compte d’auteur, payant
l’éditeur au poids du papier, sur le thème de la chasteté et de la masturbation,
« Les cahiers d’André Walter » (p 246). Il avait de quoi vivre. Sa
mère lui verse de l’argent mensuellement, pris sur la part de l’héritage de son
père. Il a pu ainsi éditer ses autres livres, mais en moins d’exemplaires que
le premier. Il veut penser librement et ne veut pas être dérangé (p 250).
La
dernière partie relate son « tourisme sexuel ». Ali, jeune adolescent
porteur à Sousse, s’offre à lui dans les dunes. C’est sa première relation
homosexuelle. Il a eu besoin de prendre ses distances avec la France pour
s’éloigner des conventions sociales européennes et franchir le pas (p 299).
Il
explique comment s’organisait la prostitution à Sousse, avec les jeunes femmes
de la tribu de Oulad Naïl. Elles se vendent en ville pour se constituer une
« dot » pour se marier. Souvent, elles ne reviennent pas dans leur
tribu (p 303).
Lui,
en proie à ses doutes sur sa réelle homosexualité, s’offre les services d’une
jeune prostituée de seize ans, Meriem. Il s’imagine, pendant l’acte, dans les
bras de Mohammed. Puis il tombe amoureux du petit Mohammed, à moitié nu sous
ses vêtements (p 307). Avec une femme plus âgée, l’essai est négatif (p 311).
Il tente un troisième essai avec une prostituée à Rome. C’est l’échec encore (p
314).
Il
fréquente Oscar Wilde en Algérie, même si c’est compromettant, à la veille de
son procès en Grande-Bretagne (p 331). Pierre Louÿs****, avec qui il voyage et
qui a rompu avec Wilde (étaient-ils amants ? NDLR), relate un mariage
homosexuel dont lui ont parlé ses amis britanniques à Londres. C’était exquis
(p 329). Wilde raconte qu’au Savoy, les Anglais n’aimaient pas le couple qu’il
composait avec Douglas. Ils n’aiment pas ceux qui s’amusent (p 334).
L’amant
de Wilde, lord Alfred Douglas*****, a « horreur des femmes » André
Gide en est choqué, lui qui ne va pas regretter le décès de sa mère qu’il juge trop
rigoriste et moralisatrice! Gide est surpris de voir Wilde céder en tous points
à Douglas. Il trouve qu’il se laisse mener par lui (p 331). Douglas, quant à
lui, fantasme sur les deux fils de Wilde, surtout sur Cyril****** (p 335)
Gide
relate ses nuits de débauche avec Wilde, entraînant avec eux deux adolescents,
dans la périphérie d’Alger. Il sera à la recherche des sensations de volupté
qui lui permettent d’accéder à l’épuisement total, à la suite de la première
nuit avec un autre Mohammed (p 343). Deux ans plus tard, il assiste à un
rapport sexuel entre Daniel B, un adulte, et Mohammed. Il s’étonne de sa
« soumission » (p 346). Par contre, il aime la « docilité »
d’Athman qu’il prend pour amant (p 353).
Il
ne veut pas que celui-ci soit malhonnête, mais tolère qu’il soit un proxénète ( !!!
NDLR). Il utilise la honte pour se justifier dans ses contradictions (p 352).
Il
renoncera temporairement à amener Athman en France, pendant quatre ans, devant
la pression maternelle et familiale (p 355).
*
François Guizot, pour l'état civil François Pierre Guillaume
Guizot, né le 4 octobre 1787 à Nîmes et mort le 12 septembre 1874 à
Saint-Ouen-le-Pin, est un historien et homme d'État français.
**
José-Maria de Heredia, né le 22 novembre 1842 à Cuba et mort
le 3 octobre 1905 en France, est un homme de lettres d'origine cubaine. Né
sujet espagnol, il a été naturalisé français en 1893. Son œuvre poétique a fait
de lui l'un des maîtres du mouvement parnassien.
***
Jean-Jacques Rousseau y élut domicile en juillet 1762.
« Je
trouvais le séjour à Môtiers fort agréable et pour me déterminer à y finir mes
jours, il ne me manquait qu'une subsistance assurée ; mais on y vit assez
chèrement ».
Rapidement,
les écrits de Rousseau sont condamnés par le pasteur du village et le 6
septembre 1765, des habitants lancent des pierres contre son habitation.
Jean-Jacques Rousseau se fait sauvagement chasser par les Môtisans,
réfractaires à ses idées progressistes. Le 8 septembre, il quitte
définitivement la bourgade pour l'île Saint-Pierre sur le lac de Bienne.
****
Louÿs
a la réputation bien établie d’un érudit farfelu qui a défendu avec ferveur et
opiniâtreté la thèse que Corneille était l’auteur des tragédies de
Molière, et, surtout, d’un érotomane invétéré, collectionneur de photos
érotiques presque toutes prises par lui-même et auteur de centaines de textes
et de poèmes de caractère souvent franchement pornographique.
*****
Alfred
Douglas, né à Powick dans le Worcestershire le 22 octobre 1870 et mort à
Lancing dans le Sussex de l'Ouest le 20 mars 1945, est un poète anglais, fils
de John Douglas, 9ᵉ marquis de Queensberry.
******
À Richebourg, la tombe méconnue du fils aîné d’Oscar
Wilde, mort à la guerre.
« Cyril
Holland ». À lire ce nom gravé sur une stèle du cimetière Saint-Vaast
Post, à Richebourg, qui se douterait que repose ici le fils aîné d’Oscar
Wilde ? Fauché par l’ennemi le 9 mai 1915, il dort sous l’herbe avec
890 de ses frères d’armes. Retour sur son histoire.
La Voix du Nord.
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André Gide pédocriminel. Peut-on le lire aujourd'hui ?
NDLR :
bien sûr qu’il faut le lire pour comprendre et déjouer leurs crimes. Il a été
entraîné et a entraîné dans son sillage
un nombre important d’hommes. Ce qui était toléré de son vivant ne l’est plus.
Et c’est tant mieux.
Peut-on encore lire André Gide aujourd’hui? Yann Moix consacre
le premier numéro de la revue littéraire « Année zéro » à la vie et l’œuvre de
l’écrivain.
(…) « Il est oublié et il est inadmissible. Son œuvre
ne respire plus vraiment, sinon la naphtaline donc on a essayé de
« dénaphtalinisé » et en même temps c’est une œuvre qui est difficile
à lire aujourd’hui pour des raisons morales. Il y a un dossier sur la
pédo-criminalité de Gide et donc plutôt que de cacher cet aspect du personnage,
nous l’avons pris à bras le corps. »
(…) « Il est très important que les œuvres puissent
se dire. Je crois que plutôt que de savoir s’il faut séparer l’œuvre du
personnage, il faut raisonner au cas par cas. De temps en temps on peut séparer
l’œuvre de son auteur, de temps en temps on ne peut pas, de temps en temps on
doit, et de temps en temps on ne doit pas. »
NDLR : je ne pense
pas que l’on puisse séparer l’œuvre de l’homme ou de la femme. Il n’y a pas de
cas par cas, ni de devoir au cas par cas. Trop facile !
(…) Pour Yann Moix, l’image est en train de tuer le livre mais
celui-ci reprend sa place de clandestinité car il est réservé non pas à
l’élite, mais aux gens pour qui la littérature est nécessaire et vitale.
peut-on-encore-lire-andre-gide-aujourd-hui
NDLR : Yann Moix est une personnalité controversée.
(…) Ce sont surtout les
révélations de L'Express qui ont jeté une ombre sur l'écrivain de
51 ans, qui a reconnu être l'auteur de caricatures antisémites et de
textes négationnistes.
(…) Le romancier, qui fut chroniqueur d'"On n'est pas
couché" pendant trois saisons, inaugurera la nouvelle formule de
l'émission.
malgre-la-polemique-yann-moix-participera-bien-a-l-emission-on-n-est-pas-coucheVia Getty Image.