mercredi 20 septembre 2017

La question du genre dans l'orthographe - Fête de l'Humanité - 2e partie

Première partie ici:

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Je partage complètement que la langue soit un état de rapport de forces entre les femmes et la société. Je voudrais savoir si dans les autres langues, nordiques, l'allemand, l'anglais, le suédois, etc. on perçoit de manière aussi forte les inégalités envers les femmes dans la vie.


Le masculin l'emporte sur le féminin? Cette règle a du mal à passer chez les féministes...
Ca rejoint ce que dit la camarade là-bas sur le féminisme. Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que c'est pour l'égalité. C'est pour ça qu'a été créé le masculinisme. Beaucoup de personnes sont au fait que le féminisme est pour l'égalité. Mais, pour les autres, c'est assez dur de leur faire comprendre ça. Je ne sais pas si vous avez des idées ou des astuces.


Le masculin l'emporte sur le féminin? C'est à voir....
Il y a vingt ans, j'ai commencé à dire à mon enfant policier/policière, pompier/pompière. Policière, c'est passé, pompière pas encore. Il se faisait reprendre à l'école parce que ce n'était pas juste.


Mon fils revient dans ma chambre en pleurant. Il disait "Maman, il n'y avait pas de femme préhistorique!". Je disais toujours "les hommes préhistoriques" au lieu de dire "les humains préhistoriques". L'éducation non sexiste, ça marche, quand il pense homme, il pense femme aussi  et inversement.



J'étais un peu hoministe et pas que féministe. J'avais oublié les hommes.

Le masculin l'emporte sur le féminin? Mon oeil! Dans l'écrit, c'est extrêmement compliqué. Surtout quand on est un homme et qu'on essaie de se battre pour l'égalité femmes/hommes. Ce sont des réflexes qu'on n'a pas. Il y a un autre aspect à côté du combat de la langue à proprement parler.



Le vrai combat est dans la logique du droit. Les juristes sont complètement fermés avec des concepts fermés. Le concept le plus central en droit est celui de sujet de droit qui n'existe qu'au masculin. Après on est un meuble, un bien, un immeuble. Soit ça soit un objet. 
Pour faire bouger les juristes et se battre contre eux aussi car les ont la main-mise sur la langue juridique, et on est formatés, il va y avoir un combat pas seulement sur la langue mais sur le système juridique et la manière dont on pense le système juridique: le sujet du droit et de l'Homme avec un grand H. Parler des droits humains ne suffira pas. Il faudra changer la logique. La filiation se fait auprès de l'homme. On prend le Code Civil. La naissance se fait par la déclaration du père ou de la mère, mais en premier c'est le père. Dans le Code Civil, on a l'homme partout, la propriété partout, et la propriété masculine qui se fait dans l'histoire.




Hugo Pompougnac rappelle que l'on s'achemine doucement vers la fin de la discussion.





Il va falloir se débarrasser de cet homme-là (dominateur, NDLR) et cela va demander beaucoup d'énergie et pas seulement des féministes. Tout le monde doit s'y mettre bien entendu. Cela fait trente ans que le nom des droits de l'homme est contesté par les féministes. Des jeunes commencent à remener la bagarre. L'argument qui dit que l'on ne peut pas changer ce terme car ça date de la Révolution est le plus mauvais argument du monde. La Déclaration des droits de l'homme de 1789 était faite pour les hommes et pas pour les femmes. C'était clair et net. Les femmes ont protesté dans les semaines qui ont suivi. et on leur a dit "Non, non, ce n'est pas pour vous!"
Une association qui veut défendre les droits de tous devrait changer de nom. L'histoire de la majuscule (le H de Homme NDLR) est une embrouille.







Robespierre parle de la Déclaration des droits de l'homme sans mettre de majuscule à homme. On nous fait croire qu'avec une majuscule, mesdames, vous êtes comprises, c'est non. D'abord, ça ne s'entend pas une majuscule et c'est une invention par je ne sais qui. On aimerait voir l'inventeur. On doit se débarrasser de ça.
On aura besoin de beaucoup de monde. Dans chaque domaine, il va falloir penser à ça. Dans le droit, c'est une évidence. L'ordre alphabétique pourrait fonctionner aussi pour parler de la femme et de l'homme là où il faut.  Avant le père passe la mère. Le M est avant le P.
Si vraiment on parle des deux, cela ne devrait pas poser problème.
La question est : parle-t-on vraiment des deux?


Sur le mot féministe sans e qui deviendrait féminist, la  langue n'est pas une science exacte. On ne décide pas un jour que deux et deux cela ne faisait pas deux et demi mais quatre, donc on change. On ne peut pas faire comme ça.
Il y a une histoire des mots. Le mot féministe est un mot qui est né avec un autre sens. C'était utilisé dans la médecine au 18e et au 19e siècle. Il parlait des hommes féminisés dont le corps n'était pas tout-à-fait viril. On disait qu'ils souffraient de féminisme. Historiquement, les féministes dont nous parlons, nous, ont repris ce terme pour transformer le stigmate et ont dit "Maintenant, nous, on va s'appeler comme ça."
Est-ce qu'un jour, on changera de terme? Je ne sais pas. Mais en tout cas, il faut faire un petit peu d'explications. C'est une question d'éducation.


La domination masculine. Quand je parle des lettrés, je ne veux pas dire qu'ils sont les seuls à agir. Mais ce sont souvent eux qui construisent les raisonnements favorables à la domination masculine. Il est clair que ces gens-là doivent être mis en cause quand ils ne sont pas égalitaires ni égalitaristes. Il est clair aussi que ce ne sont pas eux qui décident. Si les choses mises en place par les masculinistes ont marché, c'est dû au fait qu'ils ont commencé dans une France peu lettrée, les gens allaient peu à l'école. Il y avait une toute petite élite masculine qui allait à l'université. Ce sont eux qui écrivent les livres et les dictionnaires. C'est relativement facile d'intervenir comme ça. De nos jours, ça n'est plus possible. L'éducation est pour tous. Et la langue est un bien commun. Tous les ans, les vrais faiseurs de dictionnaires vous expliquent qu'il y a quarante mots nouveaux qui sont entrés dans la langue. Ce n'est pas eux qui ont décidé. Les vrais lexicographes lisent les journaux, les blogs, écoutent la radio. Ils se disent: "Tiens, il y a tel mot, tel mot qui est apparu." Ce sont les gens qui utilisent la langue qui la font. Ensuite, il faut s'attendre à ce qu'il y ait des problèmes.


Chaque fois qu'on propose de faire une réforme de l'orthographe, ce qui est absolument nécessaire car les trois-quarts des petits Français sont paumés et trimballent toute leur vie une espèce de complexe car ils ne peuvent pas écrire une lettre, ni un livre, ni une poésie,  parce qu'on leur a répété qu'ils ne savaient pas et que le Français recule partout dans tous les pays car on est la langue la plus compliquée après le Japonais -je l'ai appris il n'y a pas longtemps- à cause de la différence entre l'écrit et l'oral, même quand la réforme est super-light,  on a des messieurs et des dames qui montent au créneau et ils ne sont pas n'importe qui. Regardez qui c'est!


Ce sont des gens qui défendent leur capacité à se penser supérieurs. Il y a un enjeu politique dans la langue qui dépasse complètement la question du féminin et masculin. C'est un enjeu social et politique. Il y a des actions citoyennes à faire autour de la langue et il faut assumer ça et s'investir, s'informer, faire de la formation, et on a raison quand on dit "le prof, la prof".



Je remercie Eliane Viennot qui une autrice des éditions iXe que j'ai la fierté d'avoir créé et dirigé. C'est une maison d'édition




Editions iXe.
Il y a une petite note de proximité qui invite les auteurs et les autrices, les lecteurs et les lectrices de iXe à adopter la règle de proximité avec quelques exemples.

Editions iXe.
Le combat féministe.
On a une place dans le monde et on doit l'assumer. Notre présence dans le monde passe par la langue. On y est souvent invisibilisées, pour ne pas dire silenciées. Comment s'affirmer dans une langue qui vous occulte et qui occulte le féminin avec un argument masculiniste et sexiste qui dit "que le masculin l'emporte au nom de la plus grande noblesse du sexe masculin sur le sexe féminin" ?
C'est un argument de force. Qu'est-ce que c'est la noblesse du sexe masculin? de l'homme par rapport à la femme?
C'est un argument de pouvoir qui vise à nous réduire au silence et à faire de nous des citoyennes de seconde zone comme pendant la Révolution française. On n'était pas incluses dans les droits humains. Il a fallu se bagarrer.
Les éditions iXe s'efforcent de faire bouger les lignes. Je n'ai pas de recette miracle sur la manière d'écrire.
Les écritures inclusives sont des tentatives que l'on introduit dans nos livres avec une petite avancée.  On utilise le point médiant et on ne sépare pas la marque du féminin de la marque du pluriel. Si on écrivait intelligent.e.s c'est donner au féminin un statut particulier qui l'isole dans le monde.


Ce qui compte d'abord, c'est la question de la personne. Si je prends le combat social auquel je suis attachée également, on voit avec les ordonnances une précarisation énorme de la population. Si on donne de la visibilité au fait que 80% des femmes qui travaillent en temps réduit  ne l'ont pas choisi, si on insiste sur la précarité particulière des femmes, on va faire progresser tout le monde.


Chaque fois qu'on personnalise un combat, en même temps, on aide l'ensemble de l'humanité. Le combat féministe d'aujourd'hui n'est pas du tout un combat fermé et étroit,  c'est un combat pour l'égalité. Je peux vous dire que moi qui ai été élue de Seine-Saint-Denis, et qui continue de me battre sur le terrain de la Seine-Saint-Denis, la question de l'égalité est sensible à tout le monde. Ce combat féministe est un combat extrêmement large.


On lit des textes sans tenir compte du contexte dans lesquels ils ont été écrits. Tout ce combat là fait qu'aujourd'hui, il y a plein de jeunes femmes qui se trouvent dans nos quartiers populaires dans des situations extrêmement difficiles.
Et puisqu'on parlait de la Révolution française un peu plus longuement que du reste, on n'est pas du tout dans le même contexte qu'en 1789. On n'a pas de raison de garder ce qui était écrit en 1789, bon ou mauvais, en 2017.


Il n'y a rien de plus moderne, à mon avis, que ce combat féministe que dans l'acceptation d'un combat pour l'égalité et la reconnaissance de la spécificité de chaque personne. Ca aussi, c'est important. Et puisqu'on parlait de cette règle de proximité possible,  on peut dire que ça aussi, ça donne de la liberté à chacun et à chacune. A chaque fois qu'on va gagner de la liberté, toute l'humanité s'en trouvera mieux.


Hugo Pompougnac conclut le débat et remercie les trois participantes pour leur disponibilité et leur gentillesse e pour tous les outils qu'elles mettent à la disposition pour la lutte. Il remercie aussi l'ensemble des camarades organisatrices qui ont permis à ce stand de tenir debout.
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