Princesse Bibesco.
Catherine-Paris.
Edition « Les Cahiers Rouges »
1927, éditions Bernard Grasset.
Les chapeaux de la princesse Bibesco
---------------------
C’est
un bijou. Chaque mot est imaginé dans le cristal poétique ciselé par l’imaginaire
léger et profond de princesse Bibesco. Chaque phrase est aérienne et taillée
dans l’humanité féminine. Le désespoir est caché derrière le style
historico-poético-narratif. Mais d’où sort-elle toutes ces images ?
« Elle croyait avoir dérobé pour son fils le feu du ciel »….Elle nous
embarque dans un chariot céleste, au-dessus de la mêlée, et nous raconte trois
destinées de femmes, liées par leur condition, leurs espoirs, leurs amours,
leurs rébellions. C’est simple comme de l’eau de roche. C’est compliqué comme
du quartz. C’est beau comme du diamant. Les hommes ne sont pas en reste car un
oncle entrera lui aussi en rébellion contre l’ordre et les valeurs familiales.
Dès
le premier mot de ce roman, l’ambiance féministe est campée.
En
se mariant, la grand-mère de Catherine-Paris a perdu son argent en donnant sa dot
à son époux. Mais elle gardera sa liberté d’esprit en faisant de sa vie ce qu’elle
veut sans avoir jamais à se justifier. Le secret de sa résistance provoquera l’incompréhension
de son entourage familial. Son mari
avait le luxe malheureux. Ayant la loi pour lui, il ne le comprenait pas. Elle
éduquera ses neufs enfants avec une éducation libérale à Paris. La vengeance de
son mari après le départ de sa femme loin de lui se retournera contre lui. Les
enfants le désavoueront eux aussi.
La
mère de Catherine-Paris rejoindra la grand-mère, sa mère, plus tard. Elles
formeront le clan de la liberté contre la tyrannie paternelle. Guignol devient
le symbole de l’éducation à la française, marquée par l’irrespect, la malice, la
curiosité. Catherine-Paris est élevée dans cette ambiance insouciante jusqu’à
son mariage.
Elle
épousera l’aristocratie européenne, étrange mélange issu de Paris, de Vienne,
de Saint-Petersbourg, et d’autres grandes villes. « On dédaignait
davantage en étant plus haut, on respectait de moins en moins en s’élevant ;
il se trouva qu’elle (= Catherine-Paris, NDLR) ne respectait plus rien du tout. »
(p 179)
Ils
sont tous cousins et cousines. Mais, on préfère secrètement les Français.
Chateaubriand avait écrit dans ses Mémoires d’Outre-tombe : « Monsieur
Ancillon, de même que beaucoup d’hommes illustres de la Prusse, était d’origine
française. » (p 186). ) Ou bien
encore : « J’ai vu jouer la Jeanne d’Arc de Schiller ;
quel peuple que ce peuple français ! Comme il occupe les autres peuples ! »
(p 198)
La
cour de Louis XIV fait toujours référence. A Schlossenbad, (= Schloss Bad, Allemagne,
NDLR) « le déjeuner s’appelait dîner, comme à la cour de Louis XIV, et le
dîner, souper. Il y avait cercle après dîner. »
La
chasse y est élevée en culte. « Le prince Louis-Ferdinand était un homme d’une
cinquantaine d’années, qui chassait depuis l’âge de ses sept ans et ne pensait
qu’à la chasse. Entendre bramer les cerfs, c’était pour lui la plus belle musique,
un tableau, cela voulait dire plusieurs rangées de bêtes mortes ; la
table, c’était la venaison ; l’amour, pour lui, c’était le rut. » (p
106). Catherine-Paris se soustraira à ce rituel. Elle pense que la chasse est
inutile depuis la création des boucheries.
Catherine-Paris
est trahie par son mari qui batifole de côté. L’amour n’existe pas entre eux.
Elle devient la proie de tous les hommes qui l’entourent. « Adam (son
mari) éprouva le besoin d’humilier en secret la triomphatrice (la beauté de
Catherine-Paris attire les jalousies, NDLR) et employa, pour y parvenir, le
meilleur moyen connu d’infliger de la honte aux femmes : les posséder sans
les aimer. » (= le viol, NDLR). (p 165)
Son mari,
avec les années, perd de son attrait. « Il devenait le jouet de plusieurs ;
aucune femme ne l’aimait assez pour le garder contre toutes les autres. »
(p 232)
Catherine-Paris
compte peu d’appuis autour d’elle. Madame de Girardin* avait dit : « Une
cousine germaine est une ennemie donnée par la nature. »
Pour
s’occuper, elle voyage de capitale en capitale. Paris est le lieu où l’on se vêt.
Napoléon avait écrit : « Une femme a besoin de six mois de Paris pour
connaître ce qui lui est dû, et quel est son empire. » (p 245).
Puis,
je vous laisse découvrir l’apothéose du livre. De surprise en surprise, on est
tenu en haleine jusqu’au bout. Les descriptions des caractères, des ressorts
psychologiques sont d’une finesse inouïe. J’ai fermé la dernière page à regrets.
*
Delphine Gay, épouse de Girardin, née
le 24 janvier 1804 à Aix-la-Chapelle et morte le
29 juin 1855 à Paris, est une écrivaine, poétesse, nouvelliste.
-------------------
Lire aussi:
virginia-woolf-une-chambre-soi
marie-de-roumanie-et-elsa-triolet
lucie-delarue-mardrus
marie-de-gournay-egalites-des-hommes-et des femmes
elisabeth-de-gramont
edmonde-charles-roux-lirreguliere
pauline-de-pange-comment-jai-vu-1900
---------------------
72 personnes ont lu cet article.
Lire aussi:
virginia-woolf-une-chambre-soi
marie-de-roumanie-et-elsa-triolet
lucie-delarue-mardrus
marie-de-gournay-egalites-des-hommes-et des femmes
elisabeth-de-gramont
edmonde-charles-roux-lirreguliere
pauline-de-pange-comment-jai-vu-1900
---------------------
72 personnes ont lu cet article.
----------------
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire