Il décorait
la salle à manger de son château de Brunoy, près de Paris.
Les
aventuriers du temps de Giacomo Casanova (un exemple des ces aventuriers au 21e
siècle, Christophe Rocancourt)
En
fonction du Prince qu’ils approchent, ils adaptent leur stratégie. Le prince
ami des plaisirs rencontrera un aventurier se présentant comme usurier honnête
ou proxénète bien entouré. Le prince guerrier côtoiera un aventurier espion. Le prince doté d’un bel esprit
appréciera un aventurier spécialisé en horoscopes. « Les crédules (seront
attrapés, NDLR) avec des projets, les joueurs avec de fausses cartes et les
naïfs avec leur distinction mondaine. »
Ces
aventuriers dupent les « vaniteux et allège la bourse des étourdis. »
Ils sont décrits comme des gens d’esprit, effrontés et psychologues.
Napoléon
(avec lui, on quitte l’antichambre pour entrer dans la salle du trône). Page
167, il décrit Napoléon comme un être qui a « soif d’infini » en
désirant un pays après un autre, un royaume après un autre.
Il
nous présente les deux buts de l’existence de Casanova : « prodiguer
du plaisir à son brave et robuste corps et à donner aux femmes autant que
possible de l’élixir de joie. »
A
Londres, la Charpillon, « coquine malicieuse », portera le coup fatal
final à Casanova. Jeune prostituée, elle lui soutire « tout l’argent
de ses poches », se refuse à lui et s’amuse avec un coiffeur. Il est « repoussé » et
« méprisé ». C’est le début de la remise en cause de son assurance et
de sa confiance en soi. Il a quarante ans. Amoureux, il a été humilié.
L’ennui
est le stimulant de l’écrivain.
Stendhal
écrit « ses plus belles pages pendant ses années d’exil dans le marais de
Civitavecchia »,
Giacomo
Casanova décrit « les images les plus colorées de sa vie » dans la
solitude de sa chambre du château de Dux, en Bohême.
Casanova
nous fait connaître « l’existence ordinaire, et par là, la culture du
XVIIIe siècle. » Il décrit les façons de voyager, ce qu’ils mangeaient,
comment ils jouaient, dansaient, se logeaient, aimaient et s’amusaient.
Casanova chez la marquise d’Urfé:
Jeanne Camus de Pontcarré, par son mariage Jeanne
de la Rochefoucauld, marquise d’Urfé, (1705 - 13
novembre 1775) était une veuve excentrique, férue
d’occultisme et d’alchimie. Elle est une
descendante
d’Anne de Graville.
Cazotle, qui fréquenta chez elle, et qui l'appelle
« la doyenne des Médées françaises », raconte
que sa
maison « regorgeoit d'empiriques et de gens qui
galopoient après les sciences occultes». Certain
jour de
Tannée 1757, l'un de ses neveux, le comte de La
Tour d'Auvergne, lui amena, pour son malheur,
quai
des Théatins, où elle demeurait alors, un Vénitien
à qui sa récente évasion des Plombs venait de
donner
une certaine notoriété, un aventurier séduisant
et infiniment dangereux, Jacques Casanova.
Casanova avait été devancé dans la maison par
un autre mystificateur insigne, le fameux comte
de
Saint-Germain, qui se donnait trois cents ans et
se vantait de posséder la panacée universelle. Mais,
à la
faconde éblouissante de Saint-Germain, le nouveau venu
sut opposer une habile réserve et une
incontestable puissance de fascination. Il s'empara sans
difficulté « de l'âme de la marquise, de son cœur,
de son esprit et de tout ce qui lui restait de bon sens », et,
dans ses Mémoires, reconnaît cyniquement
qu'il en fit sa dupe. « Si j'avais cru, dit- il, pouvoir la
désabuser... je crois que je l'aurais entrepris Mais
j'étais persuadé que son infatuation était incurable, et je
crus n'avoir rien de mieux à faire que de
seconder sa folie et d'en profiter l . » Il en profita
beaucoup.
Un jour, la marquise (elle lui attribuait un pouvoir
presque illimité) entreprit de lui persuader que,
s'il le
voulait bien, rien ne lui serait plus facile, en vertu de
ses relations avec les esprits, que de « la faire
passer en âme dans le corps d'un enfant mâle né
de l'accouplement philosophique d'un immortel
avec
une mortelle ou d'un homme ordinaire avec une
femme d'une nature divine». Casanova, loin de
protester,
s'ingénia sans aucun retard à régler la mise en
scène d'une opération qu'il comptait rendre
fructueuse
pour lui. Voici le mode de pro- céder qu'il adopta,
d'accord avec sa dupe : « Je devais, dit-il,
féconder
d'un garçon, par un moyen connu des seuls
frères rose-croix, une vierge, fille d'adepte...
Ce fils devait
naître vivant, mais seulement avec une âme
sensitive. Madame d'Urfé devait le recevoir dans
ses bras à
l'instant où il viendrait au inonde, et le garder
sept jours auprès d'elle dans son propre lit. Au
bout de ces
sept jours, elle devait mourir en tenant sa bouche
collée à celle de l'enfant, qui, par ce moyen,
recevrait
son âme intelligente. Après cette permutation, ce
devait être à moi à soigner l'enfant... Avant tout,
madame d'Urfé devait faire un testament en
bonne forme pour instituer héritier universel
l'enfant, dont je
devais être le tuteur jusqu'à l'âge de treize ans.»
Il faut lire dans les Mémoires de Casanova (on
sait qu'ils sont en général assez véridiques) la
suite et les
détails désopilants de cette comédie. Pour jouer
le rôle de la « vierge divine » dont le concours
était
nécessaire, il fit venir de Prague, où elle dansait
alors, une ballerine italienne, la Corticelli, qu'il
avait
autrefois connue à Bologne. Afin de la mieux
styler, il alla à sa rencontre jusqu'à Metz, tandis
que, fébrile
d'impatience, la marquise les attendait tous
deux au château de Pontcarré, à quatre lieues de
Paris. Elle y
reçut la « sublime vierge » avec les marques du
plus profond respect. Quelques jours plus tard —
le
quatorzième de la lune d'avril — le mariage
surnaturel fut bien et dûment consommé. Mais
le dernier jour
de cette même lune, 1' « oracle » de Casanova,
interrogé fort à propos, déclara que tout était à
refaire, un
indiscret ayant, dissimulé derrière un paravent,
profané par sa présence la célébration du rite: il
la faudrait
renouveler le mois suivant, et, cette fois, hors de
France. Ce second essai, tenté à Aix-la-Chapelle,
ne
devait pas être plus heureux que l'autre ; ce fut la
Corticelli qui le fit manquer. Elle simula, l'instant
solennel venu, des convulsions qui rendirent
inefficace la bonne volonté de l'opérateur. Pour
annuler
d'avance l'effet des révélations compromettantes
dont il se sentait menacé et celui des tentatives
de
chantage que préméditait évidemment sa
complice, Casanova la fit dénoncer par son
oracle comme étant
devenue folle, et comme ayant été « gâtée par
un génie noir », ennemi de l'ordre des rose-croix.
Il
'agissait de trouver une nouvelle et plus intacte
« vierge divine ». Casanova jugea très apte à en
remplir
le personnage une certaine mademoiselle
d'Aché, alors sa maîtresse, et conseilla à madame
d'Urfé d'écrire
à Sélénis, le génie de la lune, et de lui demander
conseil au sujet de la date à fixer pour le
renouvellement
des noces cabalistiques.
Pour attendre la réponse de Sélénis, la marquise
et
lui se plongèrent un beau soir, sous les rayons
nocturnes
, dans la même baignoire d'eau parfumée, et, par
l'effet d'un truc admirablement réussi, cette réponse,
tracée en caractères d'argent sur un papier vert
glacé, vint, se reflétant à la surface de l'eau,
enjoindre à la
pauvre femme d'attendre jusqu'au printemps
suivant pour recommencer, cette fois à Marseille,
la
mirifique opération.
Qu'arriva-t-il ensuite ? C'est ici que l'histoire
s'embrouille. Casanova raconte que, se trouvant
à Londres
en 1763, il y reçut d'une de ses amies, la comtesse
du Rumain, une lettre lui annonçant la mort de
madame
d'Urfé. « Madame du Rumain m'écrivait, dit-il,
que, sur le témoignage de la femme de chambre,
les
médecins avaient déclaré que la marquise s'était
donné la mort en prenant une trop forte dose
d'une liqueur
qu'elle appelait la panacée. Elle m'annonçait qu'on
avait trouvé un testament qui sentait les
Petites-Maisons, car elle laissait tout son bien au
premier fils ou fille qui naîtrait d'elle et dont elle se
déclarait enceinte.
Elle m'avait institué tuteur du nouveau-né, ce qui me
navrait de douleur, car cette histoire était de
nature à
faire rire tout Paris pendant une semaine. La
comtesse du Châtelet, sa fille, s'était emparée de tous les
Immeubles et du portefeuille où, à mon grand
étonnement \ on avait trouvé 400.000 francs.
MLes bras m'en
tombèrent ».
Cette page n'est qu'un tissu d'erreurs —
certainement volontaires. La marquise
d'Urfé ne mourut
que le 13 novembre 1775 ; et si Casanova a
antidaté sa mort, c'est qu'il avait ses raisons.
Un de ses
atriotes, un aventurier comme lui, Lorenzo
da Ponte, le librettiste de Don Juan, raconte
dans ses
Mémoires une histoire de bijoux volés, où il
est question de certaine « vieille dame » à
laquelle,
sous prétexte de la rajeunir, notre Vénitien
aurait fait boire un narcotique, et dont il
aurait subtilisé
la cassette. La « vieille dame » en question a
tout l'air d'être madame d'Urfé et son roman
avec
Casanova pourrait bien avoir eu pour
épilogue une scène d'escroquerie pure et
simple. Quoi qu'il
en soit, il paraît certain que la marquise,
longtemps avant sa mort, se sépara de lui
« en forts
mauvais termes.». Ce qui est encore plus sûr,
c'est qu'il avait vécu à ses crochets pendant
plusieurs
années, et lui avait soutiré des sommes
considérables. 
Maxime de Montmorand
Une femme poète du XVIe siècle
Anne de Graville
1917
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