Le Livre de ma mère
Théâtre
D’Albert Cohen.
Avec Patrick Timsit
L’amour excessif d’une mère pour son fils.
Il y a des femmes qui prennent la vie par un bout de la lorgnette et s’en accommodent. Elle voulait être une mère parfaite, et cette priorité et son abnégation ont provoqué, malgré elle, le rejet de son fils. Elle ne savait pas qu’elle devait l’éduquer pour lui permettre de vivre sa vie d’adulte sans elle. Elle voulait être la seule femme, l’unique amour dans le cœur de son fils et n’a pas pressenti que c’était un cadeau empoisonné. En se dévouant ainsi, elle mine les efforts des futures femmes qui côtoieront son fils qui, lui, culpabilise peut-être de l’avoir délaissée. La comparaison avec cet amour poussé à l’extrême est lourde à supporter. Et, dans le même temps, elle présente des facettes d’une mère commune à toutes les autres qui, quels que soient leurs efforts, subiront le départ de leur progéniture, voire leur ingratitude. Elle est passive devant tous ses caprices. En plein débat sur l’égalité Femmes/Hommes, ce portrait est saisissant et on comprend que les hommes soient habitués à ce que rien ne leur résiste.
« Fini, fini, plus de Maman, jamais. Nous sommes bien seuls tous les deux, toi dans ta terre, moi dans ma chambre. Moi, un peu mort parmi les vivants, toi, un peu vivante parmi les morts.»
Anges de la cathédrale d'Evreux
Anges de la cathédrale d'Evreux
Le Livre de ma mère.
Patrick Timsit la fait revivre devant nous, et j’avoue que cette femme m’a fait sourire avec ses remarques de « mama juive » inquiète pour son fils, m’a attristée devant son choix de vie solitaire dévouée à « son dieu vivant » représenté sur terre par son fils, m’a irritée par sa longue plainte silencieuse devant cette vie qui ne lui offrait comme possibilité d’exister que d'être mère. Elle ne se rebelle pas. Soumise aux volontés de ses deux hommes, elle n’a pas souhaité se soumettre à celles d’amies. Le père est absent dans ce récit. Dans ce duo mère/fils, il n’a pas de place. Ce mari laisse à sa femme le rôle de mère. Il n’est pas regardant. Il travaille, ramène l’argent à la maison et lui délègue la responsabilité de l’éducation. Il n’exerce aucun contre pouvoir. Elle est dans la toute puissance qui ne connaîtra de limite qu’au départ de ce fils tant chéri qu’elle continuera d’adorer jusqu’à ses derniers jours. Elle représente l’oubli de soi, et la satisfaction de ses rêves et de ses ambitions se réalisera par le biais de ce fils qui en vivra une partie sans elle. Si elle cherchait à rester dans son cœur, avait-elle besoin de se sacrifier autant ?
Patrick Timsit a des envolées, il est convainquant, mais, par moments, il retombe sur son texte qu’il lit, texte que l’on découvre en même temps que lui. Ca ne dure pas et vite, il rejoue avec son public, usant de sa gouaille et de ses intonations qui nous réveillent* et nous appâtent.
Son changement de tonalité va vers le plus grave. Il m’a fait penser à Nino Ferrer qui avait commencé sa carrière dans un registre joyeux, gaieté parodique qui l’a lancé et fait connaître, et qu’il a rejetée pour se tourner vers quelque chose de plus triste, plus personnel, regrettant presque son côté fanfaron des débuts. A croire que la gaieté légère est liée à la jeunesse…
Les spectacles de monologues, même s’il y a des coupures dans le récit avec des extraits de films vidéo et de la musique, coupures qui permettent de nous tenir en haleine ou de nous octroyer une récréation, ne sont pas ma tasse de thé. Contrairement à Philippe Caubère dans un autre monologue sur Marseille, Marsiho d’André Suarès, Patrick Timsit joue sur les registres de sa voix pour nous amuser, nous émouvoir et nous raconter cette histoire. Il s’en sort bien et le public est emballé.
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"Wake up"
"Réveille-toi"
Marseille
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